1/01/2013

REVER

Installation sur la façade vitrée de La Fabrique, Université de Toulouse II-Le Mirail, 2013.

 

Véronique Barthe nous le rappelle sans faute : sonores et plastiques, les mots - matière première pour cette artiste - persistent et signent, du petit feuillet d’un journal intime au vaste espace public de la cité.

Puisant dans le langage (lieu commun et creuset de notre communication), des phrases toutes faites à défaire, des expressions courantes qu’elle stoppe en plein élan, les détournant ainsi du fleuve de l’oubli, elle fait jouer les mots et les mots se jouent alors de nos habitudes de penser. Ils chantent sur le bout de notre langue une ritournelle, au rythme d’un cœur qui bat la mesure, valse des sentiments, orchestrée en trois et quatre syllabes autour du « parfait amour ».

Jeux de l’amour ? Rapprochement ou bouderie, lorsque les mots “un” et “nu” se retrouvent face à face, dos à dos, tête-bêche, petit kamasoutra de lettres en “fer à cheval”, permutées, renversées, sens dessus dessous, s’aimantant ou se repoussant, jusqu’à féconder toute la surface disponible et engendrer une ribambelle de purs motifs.

L’artiste redonne aux mots usuels et usés, le pouvoir de faire, dans notre esprit, germer de nouvelles, insolites, insolentes et poétiques significations.  Au format d’une carte postale invitant au voyage et dans un style au bic, le mot “REVER” qu’on peut lire, tout comme la réalité, à contre-courant.

Ecrire, parler c’est tout autant se mettre à nu, s’exposer, s’exhiber que se cacher et rester inaccessible derrière une vérité à laquelle on demeure soi-même étranger. Trompe-l’œil, trompe-cœur, Véronique Barthe réussi avec une remarquable  économie de moyens ce tour de force : rendre communicable l’intime, sans jamais céder au voyeurisme, à l’obscénité, de telle sorte que ses mots, miroirs qu’on croirait sans tains, réfléchissent ce que nous sommes, regrettons d’être ou rêvons de devenir.

Eric Vidal.

 

 

Une invitation au rêve


Depuis trois années consécutives, La Fabrique s’offre un nouveau visage à chaque rentrée. Le CIAM propose en effet à un artiste contemporain d’investir les 30 mètres de façade vitrée de La Fabrique avec une réalisation in situ, entre intérieur et extérieur. Après Florence Carbonne qui avait mis en en couleurs et en lumière La Fabrique en 2012, nous invitons Véronique Barthe à exposer son oeuvre dans le paysage du Mirail à l’entrée de l’Université. Dans le cadre de cette invitation, Véronique Barthe propose une installation graphique sur la façade de La Fabrique et deux séries d’affiches présentées dans La Galerie et sur le campus de l’université. Une carte postale conçue par l’artiste est également éditée par la CIAM à cette occasion.

Située conjointement dans l’héritage du Pop art et de l’art conceptuel, la démarche de Véronique Barthe met l’accent sur la dimension plastique des mots et se développe dans le domaine du langage. L’artiste transforme autant le mot en objet que l’image en jeux de mots. Détournant les codes de l’esthétique de la communication et utilisant toutes sortes de glissements sémantiques, Véronique Barthe construit une relation poétique avec la réalité.

Jouant de la transparence du verre et de la réversibilité des écritures, Véronique Barthe a choisi de disposer sur les vitres une série d’expressions et de phrases palindromes. Visibles et lisibles depuis l’extérieur et l’intérieur du bâtiment, ces inscriptions énigmatiques invitent les passants à entrer dans La Fabrique pour découvrir l’envers et le revers de l’œuvre. Ecrit en majuscule et sans accentuation, le mot REVER qui constitue le titre de cette exposition, prend un double sens, celui du rêve et celui de la réversibilité.

A travers ses calembours aussi drôles qu’elliptiques et ses jeux de mots judicieusement choisis, l’art de Véronique Barthe participe de l’identité artistique du CIAM, centre de production, de diffusion et de formation, espace de réversibilité. Mais si la création de Véronique Barthe semble nous inciter au rêve, c’est pour mieux nous donner à réfléchir le monde en miroir.
 

Jérôme Carrié